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Les promesses de la blockchain pour l’agriculture
La blockchain suscite beaucoup d’engouement dans le secteur agricole ces dernières années. Et pour cause : cette technologie promet d’apporter son lot d’innovations pour améliorer l’efficacité et la productivité du secteur.
L’une des premières problématiques auxquelles elle pourrait s’attaquer est celle du gaspillage alimentaire. On estime qu’un tiers de la nourriture produite dans le monde est perdue ou gâchée. En permettant de connecter directement les agriculteurs aux consommateurs sans intermédiaire, la blockchain pourrait permettre d’écouler les productions beaucoup plus rapidement, et donc de limiter les pertes.
Traçabilité et transparence
Surtout, la blockchain introduit un système de traçabilité révolutionnaire dans l’agriculture. Chaque étape de la production et de la distribution des aliments pourrait être enregistrée sur cette technologie : la récolte par les agriculteurs, le transport, la transformation, la distribution jusque dans les supermarchés.
Grâce à des puces RFID apposées sur les produits, les consommateurs pourraient même retrouver l’origine et le parcours complet des aliments qu’ils s’apprêtent à acheter, simply en passant leur smartphone sur les emballages.
Ce système de traçabilité totale permet également de lutter contre les fraudes alimentaires, qui coûtent 40 milliards de dollars chaque année à l’économie mondiale. Les gouvernements pourraient ainsi remonter facilement aux sources en cas de contamination ou détournements illégaux des filières agroalimentaires.
Optimisation de la logistique
Par ailleurs, la blockchain facilite grandement la logistique agricole. Les « smart contracts » intégrés à cette technologie permettent de s’affranchir des longues chaînes d’intermédiaires, simplifiant et accélérant les livraisons. Un gain de temps précieux pour des produits fragiles et périssables.
Les paiements aux agriculteurs pourraient également être étalés sur l’année plutôt que concentrés sur les périodes de récolte. Et les coûts de transaction s’en trouveraient allégés puisque les intermédiaires disparaissent.
Gestion optimisée des exploitations
Sur le plan de la gestion des exploitations, la blockchain apporte également son lot d’innovations. Couplée à des capteurs IoT (Internet des objets), elle permet de collecter une multitude de données en temps réel : météo, humidité des sols, maturation des cultures, etc. De quoi permettre un pilotage ultra-fin des itinéraires techniques, avec à la clé des économies sur les intrants et une productivité accrue.
Côté matériel agricole, la blockchain facilite également le suivi des opérations de maintenance. Dès qu’une machine est réparée, le mécanicien peut mettre à jour son statut depuis n’importe quel endroit. L’agriculteur connaît ainsi à tout moment la disponibilité de ses équipements.
Les obstacles au décollage de la blockchain agricole
Ce tableau idyllique cache pourtant quelques zones d’ombre. Car malgré ses promesses alléchantes, l’adoption de la blockchain dans l’agriculture tarde à se concrétiser,butant encore sur plusieurs obstacles.
Des chaînes logistiques pas encore connectées
Premier écueil : la plupart des chaînes logistiques agricoles ne sont pas encore suffisamment équipées en technologies de connectivité (RFID, IoT). Mettre en place ces réseaux de capteurs et ces systèmes de traçabilité représente un investissement colossal, que peu d’acteurs sont prêts à consentir pour l’instant. Et faire communiquer tous ces systèmes pose également des défis complexes.
Une technologie encore mystérieuse
Par ailleurs, la blockchain elle-même souffre encore d’un manque de compréhension auprès des agriculteurs. Jugée trop complexe, son fonctionnement demeure obscur pour beaucoup. Faute de formations dédiées, rares sont ceux prêts à franchir le pas et à adopter cette innovation. Un problème d’autant plus criant que le secteur agricole n’est déjà pas le plus avancé en matière de technologies.
Des cryptomonnaies inadaptées
Autre point de friction : les cryptomonnaies, indissociables de la blockchain, semblent inadaptées aux transactions agricoles. Leur volatilité, liée à la spéculation, provoque des fluctuations trop importantes des cours pour permettre des échanges stables dans les filières agroalimentaires.
Des limites de passage à l’échelle
Sur le plan technique, la blockchain agricole se heurte également à des problèmes de passage à l’échelle. Les technologies actuellement déployées ne permettent pas de gérer les volumes colossaux de transactions et de données générées par ce secteur. Une exploitation importante peut facilement saturer les capacités des blockchains existantes.
Des obstacles réglementaires
Enfin, le développement de la blockchain est freinée par le manque d’un cadre réglementaire clair. Les politiques peinent à définir des règles et des bonnes pratiques pour encourager et sécuriser son adoption. Un vide juridique qui fait hésiter de nombreux acteurs à se lancer.
Quelques applications prometteuses
Malgré ces difficultés, la blockchain continue progressivement de rallier des soutiens dans l’agriculture, à travers quelques applications prometteuses qui en démontrent le potentiel.
AgriDigital pionnière en Australie
AgriDigital fait figure de pionnière dans le domaine. Cette startup australienne a développé l’un des premiers prototypes (proof-of-concept) pour répondre aux limites actuelles des chaînes logistiques agricoles.
Sa plateforme en ligne met en relation tous les acteurs de la filière (agriculteurs, acheteurs, transporteurs, consommateurs) pour fluidifier les transactions : génération automatique des contrats, planification des livraisons, traitement des paiements, etc.
Depuis son lancement, le projet rencontre un certain succès et attire de plus en plus d’utilisateurs séduits par la simplicité d’utilisation et les gains d’efficacité permises.
Des initiatives européennes
En Europe, le projet SmartAgriHubs soutient également l’expérimentation de la blockchain, notamment pour la traçabilité des produits bios (viande, lait). Sa solution OpenSource OriginTrail permet de suivre les aliments de la ferme jusqu’à l’assiette du consommateur.
Par ailleurs, la startup Ripe.io s’est spécialisée dans la traçabilité des ingrédients entrant dans les compositions alimentaires. Grâce à des capteurs connectés, elle peut retracer l’itinéraire complet des tomates par exemple, de la récolte au rayon primeur du magasin.
Des agriculteurs convaincus
Certains agriculteurs commencent également à adopter la blockchain de leur propre initiative. C’est le cas aux États-Unis de la coopérative Mandi, spécialisée dans la production de lait et de viande bio. Elle utilise la technologie pour assurer la traçabilité de ses produits et rassurer les consommateurs sur leur origine responsable. Une démarche qui lui permet de valoriser ses productions à plus haute valeur ajoutée.
En Afrique, l’ONG FairFood mène un projet pilote de traçabilité blockchain du cacao produit par des petits exploitants ghanéens. L’objectif : leur garantir des débouchés rémunérateurs et une juste rétribution de leur travail.
Conclusion
Porteuse de nombreuses innovations, la blockchain pourrait contribuer à relever plusieurs défis agricoles cruciaux : sécurité alimentaire face à la pression démographique, lutte contre le gaspillage, commerce équitable, etc.
Mais avant de réaliser toutes ses promesses, cette technologie doit encore progresser sur le plan technique et lever certains verrous économiques, réglementaires et sociologiques. Sa diffusion prendra du temps, mais les premiers succès concrets sont encourageants. Les acteurs agricoles ont donc tout intérêt à se familiariser dès maintenant avec ses fonctionnalités pour préparer les agricultures de demain.