Les frères Dalton, figures emblématiques du Far West américain, ont transcendé leur époque pour devenir des icônes incontournables de la culture populaire mondiale. De leur véritable histoire de hors-la-loi à leur réinvention sous la plume de Morris et Goscinny, ces personnages ont marqué plusieurs générations à travers bandes dessinées, films et produits dérivés. Si leur carrière criminelle n’a duré que deux ans, de 1890 à 1892, leur impact culturel s’étend aujourd’hui sur plus d’un siècle. Entre réalité historique et fiction humoristique, les Dalton symbolisent parfaitement cette frontière floue où l’histoire américaine se transforme en mythe universel. Découvrons comment ces bandits de l’Oklahoma sont devenus des stars internationales, entre tragédie sanglante et aventures comiques.
Table des matières
- 1 Les véritables frères Dalton : une fratrie qui a marqué l’histoire du Far West
- 2 Le raid fatal de Coffeyville : la fin tragique d’une épopée criminelle
- 3 La rédemption d’Emmett Dalton : du hors-la-loi à l’homme respecté
- 4 Des bandits historiques aux personnages de BD : la naissance des Dalton de Lucky Luke
- 5 L’expansion médiatique : des comics aux films et séries d’animation
Les véritables frères Dalton : une fratrie qui a marqué l’histoire du Far West
L’histoire authentique des frères Dalton constitue l’un des chapitres les plus fascinants de la conquête de l’Ouest américain. Cette fratrie, issue d’une famille nombreuse du Kentucky, a connu un destin aussi spectaculaire que tragique dans les dernières années du 19e siècle, incarnant parfaitement la dualité d’une Amérique en pleine transition entre sauvagerie et civilisation.
La famille Dalton comptait quinze enfants, dont dix garçons, nés de l’union entre James Lewis Dalton, vétéran de la guerre du Mexique, et Adeline Younger. Un détail souvent ignoré : par leur mère, les Dalton étaient cousins des frères Younger, célèbres complices de Jesse James, un autre bandit légendaire du Far West. Cette lignée familiale semble avoir prédisposé certains membres à une vie en marge de la loi.
Contrairement à leur représentation dans Lucky Luke, les vrais Dalton n’étaient pas quatre frères de taille différente obsédés par la vengeance. Les principaux membres du gang historique étaient Gratton “Grat” (né en 1861), Bob (né en 1869), Emmett (né en 1871) et Bill Dalton (né en 1866). Un cinquième frère, Frank, joua un rôle déterminant dans leur destin, bien qu’indirectement.

L’ironie de l’histoire veut que plusieurs frères Dalton aient d’abord été des représentants de la loi avant de basculer dans le crime. Frank Dalton était marshal adjoint des États-Unis pour le district de l’Arkansas, fonction prestigieuse et dangereuse. Sa mort en service, lors d’une fusillade avec des contrebandiers d’alcool en 1887, constitua un tournant décisif pour ses frères.
Suite au décès de Frank, Bob, Grat et Emmett suivirent initialement ses traces et devinrent à leur tour marshals adjoints dans le Territoire indien (futur Oklahoma). Ce parcours initial révèle une ambivalence fondamentale : ces hommes connaissaient parfaitement le système judiciaire qu’ils allaient plus tard défier.
Le basculement des Dalton : de la loi au crime organisé
Le tournant dans l’histoire des Dalton survient en 1890. Après quelques années de service comme représentants de la loi, les frères commencent à éprouver des frustrations. Mal payés, confrontés à une corruption endémique, ils se sentent également victimes d’injustices administratives lorsque leurs notes de frais sont refusées par le gouvernement fédéral.
Grat Dalton, le premier, fait l’objet d’accusations de vol de chevaux – crime particulièrement grave dans l’Ouest américain. Que ces accusations aient été fondées ou non reste sujet à débat, mais elles entraînent une réaction en chaîne. Les frères, décidant que le système qu’ils servaient les avait trahis, franchissent la ligne rouge et forment leur propre gang.
La bande des Dalton n’était pas constituée uniquement des frères. Plusieurs autres criminels s’y associèrent, notamment :
- Bill Powers – Complice fidèle jusqu’à la fusillade finale
- Dick Broadwell – Mort aux côtés des Dalton à Coffeyville
- Bill Doolin – Qui échappa au massacre et forma plus tard son propre gang
- George “Bitter Creek” Newcomb – Brièvement associé aux Dalton
- Charlie Bryant – Participant à plusieurs braquages
Entre 1890 et 1892, le gang des Dalton se lance dans une série de braquages audacieux, principalement dirigés contre les compagnies de chemin de fer et leurs trains. Leur première cible majeure est un train de la Southern Pacific en Californie, en février 1891. Cette attaque est un fiasco total : ils s’attaquent par erreur au mauvais train et repartent les mains vides.
Date | Lieu | Cible | Résultat |
---|---|---|---|
Février 1891 | Alila, Californie | Train Southern Pacific | Échec – mauvais train ciblé |
Mai 1891 | Wharton, Territoire indien | Train Santa Fe | Succès – 1500$ volés |
Juillet 1891 | Adair, Territoire indien | Train Missouri-Kansas-Texas | Succès – mais mort d’un passager |
Juin 1892 | Red Rock, Territoire indien | Train Santa Fe | Succès – 17 000$ dérobés |
5 octobre 1892 | Coffeyville, Kansas | First National Bank et Condon Bank | Échec total et mort de la plupart des membres |
Malgré quelques échecs initiaux, le gang perfectionnait progressivement ses méthodes. Leur technique pour les braquages de train devint méthodique : ils forçaient l’arrêt du convoi, neutralisaient le personnel, puis dynamitaient le wagon contenant le coffre-fort. Leur connaissance des horaires et itinéraires, probablement acquise durant leur période comme marshals, leur conférait un avantage tactique considérable.
Le raid fatal de Coffeyville : la fin tragique d’une épopée criminelle
Le 5 octobre 1892 marque un tournant décisif dans l’histoire des frères Dalton, une date gravée dans la mémoire collective américaine. Ce jour-là, animés par une ambition démesurée, les Dalton organisent ce qui devait être leur coup le plus audacieux : le braquage simultané de deux banques dans la même ville, leur ville natale de Coffeyville au Kansas.
Bob Dalton, le stratège du groupe, nourrit une ambition particulière : surpasser les exploits de Jesse James et des frères Younger. Attaquer deux banques simultanément, personne ne l’avait jamais tenté. Si ce coup réussissait, il leur assurerait une place définitive dans la légende du banditisme américain, tout en leur fournissant suffisamment d’argent pour quitter le pays et commencer une nouvelle vie.
Pour cette opération risquée, cinq hommes participent : Bob, Grat et Emmett Dalton, ainsi que leurs fidèles complices Dick Broadwell et Bill Powers. La stratégie semblait simple : Bob et Emmett s’occuperaient de la First National Bank tandis que Grat, Broadwell et Powers attaqueraient la Condon Bank.
Dès leur arrivée à Coffeyville, les événements prennent une tournure inattendue. Malgré leurs déguisements sommaires (de fausses barbes), plusieurs habitants reconnaissent les frères qu’ils ont vu grandir dans leur ville. Pendant que les bandits sont à l’intérieur des banques, l’alarme est silencieusement donnée. Les citoyens de Coffeyville, déterminés à défendre leur ville, s’arment rapidement et prennent position autour des établissements.
Voici comment les événements se sont déroulés dans chaque banque :
- First National Bank – Bob et Emmett Dalton entrent dans l’établissement, armes au poing. Ils ordonnent au caissier de remplir leurs sacs avec le contenu du coffre. Mais le caissier, jouant la montre, prétend que la serrure du coffre est équipée d’une minuterie et ne peut être ouverte immédiatement.
- Condon Bank – Grat, Powers et Broadwell rencontrent également des difficultés. Les employés de la banque, tout en obéissant apparemment aux ordres, créent délibérément des retards. L’un d’eux prétend que le coffre-fort principal ne peut être ouvert car le directeur est absent.
Ces retards s’avèrent fatals pour le gang. Lorsqu’ils émergent finalement des banques, après avoir obtenu beaucoup moins d’argent que prévu, les Dalton se retrouvent face à une véritable embuscade. Une fusillade d’une violence inouïe éclate dans l’allée principale, surnommée depuis “Death Alley” (l’allée de la mort).
Membre du gang | Rôle dans le braquage | Sort final |
---|---|---|
Bob Dalton | Leader, braquage de la First National Bank | Tué par le cordonnier John Kloehr |
Grat Dalton | Braquage de la Condon Bank | Tué dans l’allée, multiple impacts de balle |
Emmett Dalton | Braquage de la First National Bank | Grièvement blessé (23 impacts), survit |
Dick Broadwell | Braquage de la Condon Bank | Tué en tentant de fuir à cheval |
Bill Powers | Braquage de la Condon Bank | Tué dans l’allée |
En moins de quinze minutes, quatre des cinq membres du gang sont abattus. Seul Emmett Dalton survit, malgré plus de vingt blessures par balle. Cette fusillade coûte également la vie à quatre citoyens de Coffeyville : le marshal Charles T. Connelly, Lucius M. Baldwin, George Cubine et Charles Brown. Plusieurs autres sont blessés.
Le bilan est désastreux pour les Dalton : non seulement ils ont perdu la vie, mais leur butin est dérisoire. Dans leur précipitation, ils n’ont réussi à s’emparer que de quelques milliers de dollars, bien loin des sommes espérées qui devaient leur permettre de disparaître définitivement.
L’héritage immédiat du massacre de Coffeyville
Les corps des hors-la-loi sont exposés publiquement, selon la coutume de l’époque, puis photographiés. Ces clichés macabres connaissent une diffusion extraordinaire, devenant parmi les premières “photos de célébrités” criminelles à être largement distribuées à travers les États-Unis. Cette exposition posthume contribue paradoxalement à cimenter la légende des Dalton.
Emmett Dalton, miraculeusement survivant malgré ses nombreuses blessures, est soigné puis jugé. Sa sentence est sévère : la prison à perpétuité. Mais contrairement à ses frères, son histoire ne s’arrête pas dans la poussière sanglante de Coffeyville.
Bill Dalton, le cinquième frère qui n’avait pas participé au raid fatal, poursuit brièvement sa carrière criminelle. Il rejoint le gang de Bill Doolin, formant ce qu’on appellera la “Doolin-Dalton Gang”. Sa carrière sera cependant de courte durée : il est abattu par des marshals en juin 1894, moins de deux ans après ses frères.
La fascination immédiate pour l’histoire des Dalton illustre parfaitement l’ambivalence de la société américaine face à ses hors-la-loi. D’un côté, leurs actes sont condamnés et leur mort violente est présentée comme une juste punition. De l’autre, ils deviennent instantanément des figures mythiques, symboles d’une liberté sauvage en voie de disparition dans une Amérique qui s’industrialise et se structure.
La rédemption d’Emmett Dalton : du hors-la-loi à l’homme respecté
L’histoire d’Emmett Dalton, le plus jeune des frères criminels, offre un contrepoint fascinant au destin tragique de ses aînés. Seul survivant du massacre de Coffeyville, sa trajectoire ultérieure illustre les possibilités de rédemption même après les actes les plus répréhensibles.
Condamné à la prison à perpétuité en 1892, Emmett entame sa peine au pénitencier de Lansing, Kansas. Sa bonne conduite et peut-être une certaine sympathie pour ce jeune homme qui avait suivi ses frères dans leur descente aux enfers lui valent finalement une grâce du gouverneur E.W. Hoch en 1907. Après quatorze années d’incarcération, Emmett Dalton, alors âgé de 36 ans, retrouve la liberté.
Contrairement aux trajectoires habituelles des anciens détenus de cette époque, qui souvent replongeaient dans la criminalité, Emmett choisit une voie radicalement différente. Il s’installe en Californie, loin des plaines du Midwest qui avaient été le théâtre des crimes des Dalton, et commence une nouvelle vie.
En Californie, Emmett épouse Julia Johnson en 1908, une actrice qu’il avait rencontrée avant son incarcération et qui lui était restée fidèle pendant ses années de prison. Ce mariage, qui durera jusqu’à sa mort, témoigne de sa volonté de stabilité et de réintégration sociale.
Les compétences qu’Emmett développe après sa libération démontrent sa détermination à se réinventer :
- Agent immobilier – Il développe une carrière respectable dans l’immobilier en Californie
- Écrivain – Il publie ses mémoires intitulées “Beyond the Law” en 1918
- Consultant historique – Il participe à plusieurs projets cinématographiques sur l’Ouest américain
- Conférencier – Il donne des conférences sur les dangers d’une vie criminelle
- Acteur – Il joue dans quelques productions hollywoodiennes sur le Far West
Son ouvrage “Beyond the Law” (Au-delà de la loi) constitue un document historique précieux. Emmett y raconte sans concession l’histoire de sa famille, les circonstances qui ont conduit ses frères et lui-même à basculer dans la criminalité, et les conséquences tragiques de leurs choix. Ce livre est considéré comme l’une des rares autobiographies authentiques d’un bandit du Far West.
En 1931, Emmett collabore à un second livre, “When the Daltons Rode” (Quand chevauchaient les Dalton), co-écrit avec Jack Jungmeyer. Ce récit plus romancé connaît un succès considérable et sera adapté au cinéma en 1940, avec Randolph Scott dans le rôle principal.
Période | Activité d’Emmett Dalton | Impact sur sa réhabilitation |
---|---|---|
1892-1907 | Incarcération au pénitencier de Lansing | Réflexion et repentir documentés dans sa correspondance |
1908-1918 | Installation en Californie, mariage, carrière immobilière | Réintégration sociale et stabilité financière |
1918-1930 | Publication de “Beyond the Law”, conférences | Reconnaissance comme témoin historique légitime |
1931-1937 | Collaboration à “When the Daltons Rode”, consultant pour Hollywood | Statut d’expert reconnu sur l’histoire du Far West |
1937-1945 | Retraite en Californie | Respect général comme figure historique réhabilitée |
Dans ses témoignages et écrits, Emmett ne cherche jamais à glorifier les actes criminels de sa jeunesse. Au contraire, il adopte systématiquement une posture de repentir et utilise son expérience comme avertissement pour la jeunesse américaine. Cette attitude contribue largement à sa réhabilitation aux yeux de l’opinion publique.
La transformation d’Emmett Dalton n’est pas sans rappeler certains parcours de rédemption dans Breaking Bad, où la question de la possibilité de racheter ses fautes après avoir basculé dans la criminalité est également centrale. Sa capacité à se réinventer après une jeunesse criminelle et quatorze années de prison témoigne d’une force de caractère exceptionnelle.
Emmett Dalton s’éteint paisiblement le 13 juillet 1937 à Long Beach, Californie, à l’âge de 66 ans. Sa nécrologie dans le Los Angeles Times le présente comme un “pionnier de l’Ouest” et un “témoin précieux d’une époque révolue” plutôt que comme un ancien criminel. Cette évolution de son image publique constitue peut-être sa plus grande victoire personnelle.
Des bandits historiques aux personnages de BD : la naissance des Dalton de Lucky Luke
La transformation des frères Dalton historiques en personnages de bande dessinée constitue l’un des plus beaux exemples de réinterprétation créative dans l’histoire de la pop culture. C’est en 1952 que Maurice de Bevere, dit Morris, introduit pour la première fois les Dalton dans les aventures de son cow-boy solitaire, Lucky Luke.
Dans l’album “Les Cousins Dalton” (1958), Morris et René Goscinny établissent un lien ingénieux entre réalité historique et fiction. Ils expliquent que leurs personnages sont les cousins des véritables frères Dalton, morts à Coffeyville. Cette astuce narrative leur permet à la fois de s’ancrer dans l’histoire authentique tout en s’autorisant une liberté créative totale.
Les différences entre les vrais Dalton et leurs versions fictives sont nombreuses et révélatrices des intentions humoristiques des créateurs :
- Nombre et noms – Les Dalton de Lucky Luke sont quatre : Joe, William, Jack et Averell, contre cinq frères historiques (Bob, Grat, Emmett, Bill et Frank)
- Apparence physique – Dans la BD, ils sont identiques mais de tailles différentes, classés du plus petit (Joe) au plus grand (Averell), alors que les vrais frères ne présentaient pas cette gradation
- Personnalité – Joe, le chef, est colérique et intelligent ; Averell est naïf et glouton ; Jack et William sont des personnages intermédiaires. Les vrais Dalton avaient des personnalités plus complexes et moins caricaturales
- Motifs – Dans la BD, leur motivation principale est la vengeance contre Lucky Luke, qu’ils tiennent pour responsable de la mort de leurs cousins. Les vrais Dalton étaient motivés par l’appât du gain et le ressentiment envers un système qu’ils jugeaient injuste
- Compétence criminelle – Les Dalton de la BD sont perpétuellement inefficaces et comiques, tandis que les véritables bandits étaient dangereux et relativement efficaces dans leurs braquages
Le premier album qui met en scène les cousins Dalton, “Les Cousins Dalton”, paraît en 1958 aux éditions Dupuis. Il connaît un succès immédiat et établit les Dalton comme antagonistes récurrents de Lucky Luke. Cette formule deviendra l’une des plus populaires de la série.
L’évolution des Dalton au fil des albums de Lucky Luke mérite d’être soulignée. D’abord présentés comme des criminels relativement menaçants, ils deviennent progressivement plus comiques, notamment sous l’influence de Goscinny qui rejoint Morris pour scénariser la série à partir de 1955.
Personnage | Caractéristiques dans Lucky Luke | Inspiration historique |
---|---|---|
Joe Dalton | Le plus petit et le plus intelligent, chef du gang, colérique | Inspiré de Bob Dalton, le stratège de la bande historique |
William Dalton | Plus grand que Joe, plus petit que Jack, personnalité peu définie | Référence à Bill Dalton, sans correspondance directe de caractère |
Jack Dalton | Plus grand que William, plus petit qu’Averell, personnalité intermédiaire | Personnage entièrement fictif, sans équivalent historique |
Averell Dalton | Le plus grand et le plus stupide, obsédé par la nourriture | Vaguement inspiré d’Emmett, le plus jeune des vrais Dalton |
Ma Dalton | Mère protectrice mais complice, introduite dans les albums ultérieurs | Inspirée d’Adeline Dalton, mais avec un caractère très différent |
L’humour des aventures des Dalton repose sur plusieurs ressorts comiques récurrents qui ont contribué à leur popularité :
- La graduation de taille systématique, qui devient une signature visuelle immédiatement reconnaissable
- Les disputes constantes entre Joe (irascible) et Averell (simplet), créant une dynamique comique prévisible mais efficace
- Les plans d’évasion élaborés par Joe, invariablement sabotés par la bêtise d’Averell
- L’obsession alimentaire d’Averell, souvent déclencheur de situations comiques
- La haine irrationnelle de Joe envers Lucky Luke, devenant une idée fixe absurde
Cette transformation des bandits historiques en personnages comiques s’inscrit dans une tradition de bande dessinée franco-belge qui privilégie l’humour et la caricature. Les albums de Lucky Luke, publiés d’abord par Dupuis puis par Dargaud, participent à la construction d’un imaginaire occidental européen, différent de celui des westerns américains, plus sombre et réaliste.
L’influence de cette réinterprétation est considérable. Pour de nombreux lecteurs européens, les Dalton de Lucky Luke sont devenus plus “réels” que les véritables bandits historiques. Ce phénomène illustre parfaitement comment la fiction peut parfois éclipser la réalité historique dans la mémoire collective.
L’évolution des Dalton dans la série Lucky Luke
Au fil des décennies, les Dalton ont connu une évolution notable dans Les Aventures de Lucky Luke. Après la mort de René Goscinny en 1977, plusieurs scénaristes ont repris le flambeau, chacun apportant sa propre touche aux célèbres bandits. Le personnage de Ma Dalton, leur mère, est notamment introduit en 1971 dans l’album “Ma Dalton”, enrichissant considérablement la psychologie du quatuor.
Avec l’arrivée de nouveaux scénaristes comme Xavier Fauche, Jean Léturgie et plus récemment Jul, les Dalton ont gagné en profondeur. Des thématiques contemporaines sont parfois abordées à travers leur prisme, comme dans “Les Dalton à la fête” (2018) où les questions d’intégration sociale sont subtilement évoquées.
La popularité des Dalton a dépassé celle de nombreux autres antagonistes de la série, au point qu’ils sont devenus pratiquement aussi importants que Lucky Luke lui-même. Cette omniprésence s’explique par plusieurs facteurs :
- Leur design visuel immédiatement reconnaissable
- La dynamique comique bien rodée entre les quatre frères
- Leur potentiel narratif, permettant des variations infinies sur le thème de l’évasion et de la poursuite
- Leur personnalité caricaturale mais attachante, notamment celle d’Averell
- Leur statut d’éternels perdants qui suscite paradoxalement la sympathie
Cet attachement du public aux Dalton est tel que plusieurs albums et séries dérivées leur ont été consacrés, comme “Lucky Luke contre Pinkerton” (2010) où ils jouent un rôle central, ou la série jeunesse “Kid Lucky” où apparaissent de jeunes versions des bandits.
L’expansion médiatique : des comics aux films et séries d’animation
Le succès des Dalton dans la bande dessinée Lucky Luke a naturellement conduit à leur adaptation dans d’autres médias, élargissant considérablement leur audience et leur impact culturel. Cette expansion médiatique illustre parfaitement la capacité de ces personnages à transcender leur support d’origine.
La première adaptation animée significative apparaît en 1971 avec la série télévisée d’animation “Lucky Luke”, produite par Dargaud Films et la société belge Belvision. Les Dalton y sont représentés fidèlement à leur version papier, avec leurs caractéristiques visuelles distinctives et leurs personnalités caricaturales. Cette série contribue à faire connaître les personnages auprès d’un public plus large, notamment les enfants qui ne lisaient pas nécessairement les albums.
En 1984, Hanna-Barbera Productions crée une nouvelle série animée, “Lucky Luke”, diffusée sur FR3 (aujourd’hui France 3). Cette adaptation américanisée conserve l’essence des personnages mais les adapte légèrement aux codes de l’animation américaine